Incroyable maladresse
Si c’est incroyable… n’y croyez pas.
Plusieurs
commentateurs ont relevé les énormes bourdes du gouvernement dans la guerre
qu'ils mènent contre les étudiants et les intellectuels.
Certes,
dénigrer les intellectuels est politiquement payant au Québec. Mais cela
n'explique pas l'aspect improvisé, bricolé, maladroit des interventions
gouvernementales. Je ne peux me résoudre à croire que Madame Beauchamp et
Monsieur Charest soient aussi stupides et maladroits qu'ils veulent s'en donner
l'air. Je pense au contraire que ce sont des gens aguerris qui savent très bien
ce qu'ils font.
Et
ce qu'ils font, depuis le début, c'est de jeter délibérément de l'huile sur le
feu qu'ils ont eux-mêmes allumé. On est en droit de se demander pourquoi.
Preste
chacune des interventions télévisées de la ministre, plutôt répétitives, ont eu
comme effet d'exaspérer les étudiants et ceux qui les soutiennent, voire même
les journalistes qui ont développé une allergie à cette surdose de cassettes.
Cette dame ne peut pas être idiote à ce point-là. C'était donc délibéré.
La
dernière insulte, après cette prétendue “entente” (sachant bien que les porte
parole des étudiants n'ont pas mandat de ratifier une entente), fut de pavoiser
et de dire à micro ouvert que le gouvernement est content d'avoir gagné et que
l'apparence de gain des étudiants n'est rien moins qu'assurée. Là, ce n'est
plus de l'huile, c'est du kérosène. Ça ne peut pas ne pas être voulu.
Répression
Ensuite
nous avons vu des manifestants – on ne peut plus pacifiques – être infiltrés
par des « casseurs », ce qui a donné le signal aux “forces de l'ordre” pour
massacrer les jeunes et les moins jeunes qui les accompagnaient.
Ces
"casseurs" sont parfois des jeunes excessivement exaspérés, issus
d'un groupe qui ne croit pas que "tendre l'autre joue" soit une
stratégie payante. On peut reconnaître quelque fondement à leur analyse sans
approuver leur action. On y trouve aussi de simples malandrins qui profitent de
la foule pour transformer le relatif désordre en chaos violent, comme il y en
a, entre autre, dans les célébrations de victoires sportives. Cet hooliganisme
n'épargne aucun pays. Plusieurs évoquent aussi des casseurs, très préparés,
payés ou envoyés par des partisans de la décivilisation, voire par la police
elle-même, où l'on trouve des mercenaires sans âme ni esprit, voire des
élèves-policiers.
~
La
méthode bien rôdée de la police consiste à laisser aller la manifestation, à
relever - ou provoquer - un incident, à déclarer la manifestation
"illégale" (ce qui est d'ailleurs juridiquement contestable) et,
immédiatement, à enfermer les manifestants dans une "souricière" pour
procéder à des arrestations de masse assorties de violences, sans laisser la
possibilité aux manifestants de se disperser.
Ce
n'est rien moins que du terrorisme d'État : les forces de l'ordre établi ne
prendraient pas l'initiative de procéder ainsi. Il s'agit bel et bien
d'instiller la terreur dans les esprits qui osent contester.
Idem, aller arrêter avec
brutalité des personnes manifestement inoffensives dans les rues adjacentes où
elles marchent calmement.
Idem, procéder à de violentes
arrestations ciblées des personnes identifiées comme de “fortes têtes”.
Idem, l'arrestation en pleine
rue par des policiers en civil et des fourgonnettes banalisées de personnes
ciblées.
On
passera pudiquement sur le traitement médiatique de tout cela, dont on a
constaté qu'il a été brusquement infléchi en direction d'une complaisance
suspecte. Certains journalistes ont été agressés, arrêtés, puis écartés, faute
sans doute d'avoir fait preuve de soumission.
Deux
étudiants accusés de voies de fait sur policier. On ne mentionne plus guère
qu'en passant les yeux blessés ou perdus, les dents cassées, les traumatismes
crâniens, les os cassés, les hémorragies internes, sans parler des syndromes
post-traumatiques à venir.
Si
les étudiants refusent encore de baisser la tête et de capituler, combien
faudra-t-il d'éclopés, faudra-t-il des morts pour leur "faire entendre
raison" ?
La
raison du plus fort, bien entendu.
NOUS
Certains
pensent que les étudiants sont des bébés gâtés. Je n'en ai pas encore
rencontré. Du moins pas chez ceux qui se mobilisent pour défendre ce à quoi ils
croient, c'est-à-dire l'instruction, la démocratie, et toutes ces vieilles
lunes conquises de haute lutte par leurs prédécesseurs et que l'on veut leur
arracher. Le fait est que leur combat n'est pas seulement le leur, mais celui
de tous ceux qui croient qu'il est important, crucial même, que le niveau moyen
d'instruction et de culture soit le plus élevé possible, non seulement pour ses
rentables conséquences économiques - la sacro-sainte économie - mais aussi
parce que la démocratie ne se conçoit pas sans un esprit critique aiguisé,
lequel ne se forge que par l'instruction, la culture et l'expérience.
Et
par la transparence de l'État et une information impartiale et plurielle, mais
sur ce point la pente est telle à remonter que je n'en parlerai pas.
Ce
ne sont pas seulement les étudiants qui sont attaqués par le gouvernement
actuel, c'est tout le modèle de société.
Ce
gouvernement néo-conservateur, ou néo-libéral, l'étiquette ne change pas ce qui
est dans le pot, a entrepris de réduire l'ensemble des relations humaines au
simple rapport fournisseur-client. On ne parle déjà plus que de "clients"
pour désigner les patients, les usagers, les justiciables, d'autres catégories
encore auxquelles je ne pense pas, et bientôt les étudiants, les élèves, les
citoyens. L'Université ne serait plus qu'une entreprise presque privée
fournisseuse de services à une clientèle solvable. L'État même se veut
simplement corporatif. À tel point qu'on se demande si on ne pourrait pas faire
l'économie de l'ensemble du personnel politique et confier l'administration de
l'État directement aux grandes corporations. Comme dans la série de films Robocop, médiocres mais
prophétiques.
Diversion
Quand
tous les regards seront fixés sur l'incendie ainsi allumé, entretenu, sera-ce
suffisant pour faire oublier l'omniprésente corruption, du conseiller municipal
jusqu'à... on n'ose le dire, et le don des ressources à de riches mais avares
compagnies privées à but lucratif, et les déboires du parti libéral, et
l'abandon de morceaux de souveraineté, et le renoncement à la langue française,
et tout un tas d'anguilles et de squelettes qui commencent à devenir
encombrants ?
Disons
seulement que cet aspect n'est pas à écarter a priori.
Alors?
Les
étudiants doivent-ils se rebeller encore ? Capituler ? En fait, nous n'en
sommes plus là. Le gouvernement les a utilisés, rien de ce qu'ils pourront
faire ne les servira, et ils n'ont plus grand chose à perdre. Les études sont
en voie de privatisation, point final. Ils ont été de bonne foi, c'est ce qui
les a perdus. On ne peut pas négocier avec un interlocuteur de mauvaise foi. La
résistance devra être inventive et sera longue. Demain, le Québec sera-t-il
vert mur à mur, d'un vert très sombre qui préfigure le kaki?
Ensuite ?
Quand
tout sera vendu pour rien et les Québécois tout nus, quand les têtes pensantes
soigneront leur coma et ne songeront même plus à contester, encore moins à
réveiller l'opinion, quand les mécontents et les indignés auront peur de
s'exprimer, quand on n'osera même plus se demander en silence à qui profite le
crime, ni poser des questions à nos maîtres qui savent bien mieux que nous
disposer de nos biens, quand on renoncera à voter parce que, effectivement,
"ça coûte cher et ça ne sert à rien", alors un état autoritaire dans
les méthodes, totalitaire dans la pensée économiste, sera en place pour
longtemps.
Car
cette pente-là est glissante. Vite on la descend, pour la remonter il faut
des générations.
~
Thibaud de La Marnierre, simple
citoyen.
)+(
2 commentaires:
Ce texticule avait été mis sur Facebook, il a disparu, je l'ai remis, on verra.
Il a été remis à l'instant, on verra.
Il a été repris par Vigile à l'adresse
http://www.vigile.net/Incroyable-maladresse
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