mercredi 28 octobre 2009

Je n'irai pas voter.

Je n’irai pas voter



Le premier novembre, je n’irai pas voter.

Je ne serai sûrement pas le seul, bien sûr. Entre les politico-sceptiques – et ils ont d’excellentes raisons pour l’être – et les paresseux, les je m’en foutistes et les à quoi bonistes, il semblerait qu’il n’y ait plus que quelques naïfs à l’esprit plus ou moins “scout”, voire louveteau, pour croire encore que les élections riment à quelque chose.

Cet incontestable quoique modeste génie qu’est Richard Martineau ne disait-il pas, à l’époque où il signait des éditoriaux dans le Voir, que « les politiciens ont autant de marge de manœuvre qu’un semi-remorque qui recule dans une ruelle » ? La métaphore m’a plu.

En mai 1968, à l’époque où de jeunes sorbonnards croyaient encore qu’il était possible d’améliorer les choses, certains lucides – ceux d’alors, pas les obsédés des bilans comptables de maintenant – écrivirent un graffiti qui passa à la postérité : « Si les élections pouvaient changer les choses, elles seraient illégales. »

Bref, si c’était la saison et si nous avions des rivières poissonneuses, nous pourrions dire que le parti gagnant sera celui des pêcheurs à la ligne.

En cette ère de la surinformation, il est de plus en plus difficile de se faire des illusions. Nous sommes habitués à ce que les élus s’empressent d’oublier leurs électeurs, filent dare-dare à Québec ou à Ottawa et ne s’occupent que de leur carrière et des intérêts de leurs plus gros contributeurs. On en vient même à trouver que, au fond, c’est bien normal, dans l’ordre des choses. Les scandales qui agitent les media et indisposent certains politiciens seront vraisemblablement, comme toujours, des feux de paille qui ne remettront pas en question les règles du jeu politique.

Mais s’agissant des élections municipales, il y a tout de même une différence : les élus ne peuvent pas se réfugier au Parlement ou à la Chambre des communes. Ils restent là, nous les avons sous la main, et nous pouvons leur rappeler – poliment – leurs promesses… Ces pauvres élus risquent à tout instant de rencontrer leurs administrés et de “se faire parler”.

Encore que depuis mon arrivée dans ma résidence actuelle, en 2001, je n’ai eu l’occasion de rencontrer mon conseiller municipal local (un voisin) qu’une seule fois, parce qu’il y avait, exceptionnellement cette année, élection, et qu’il a eu la gentillesse de passer se faire connaître. Pour ce qui est de la vie de quartier, cela laisse à désirer.

Nous avons eu, ces derniers temps, un gouvernement conservateur minoritaire à Ottawa. Je vous laisse imaginer ce qu’aurait été la politique s’il avait été majoritaire. Nous avons un gouvernement majoritaire à Québec, et l’on sait qu’il n’est pas excessivement porté sur le dialogue et préfère gouverner par coups de force. Alors imaginez ce qui se passe dans les municipalités, dont le personnel est reconduit “par acclamation”, n’éprouve pas le besoin de se mettre à l’écoute de la population, mais courtise les industries, dont on sait qu’elles prendront tout le pouvoir qu’on voudra leur donner et considèrent les contributions électorales comme des investissements. « C’est comme ça que ça se passe. »

Il n’est pas nécessaire de soupçonner les élus de malversation pour se donner les mécanismes préventifs nécessaires. Une opposition, l’alternance, l’ombudsman sont à la politique ce que la vaccination est à l’épidémie. Le reflux acide de la démocratie municipale est endémique au Québec, voire pandémique. En l’absence de diversité, on en vient à un unanimisme tacite qui dispense les élus de répondre aux questions des simples citoyens, de rendre des comptes en dehors du petit cercle des amis proches.

Par ailleurs, la légitimité d’un personnel politique qui n’est pas élu mais reconduit par défaut s’use avec le temps, à mesure qu’on s’éloigne de l’élection qui les a mis là. Il est nécessaire que l’autorité qui leur est confiée soit périodiquement renouvelée. Dans les pays démocratiques, on appelle cela élections en fin de mandat, et c’est obligatoire.

Un politicien honnête, c’est fragile. Cela s’use aussi vite que les pneus. Il faut en changer de temps en temps, c’est une question de sécurité.

Bien entendu, pour que des élections puissent se tenir, il y a diverses conditions à remplir. Il faut que les citoyens acceptent de quitter leur canapé, de marcher dix minutes, de faire la queue un bon quart d’heure… c’est beaucoup demander, je sais, mais ça n’arrive pas tous les ans.

On m’a objecté que cela coûte quelque chose de faire des élections. Sans doute, mais c’est le prix de la légitimité, sans laquelle il n’y a pas de démocratie possible. Et quand on a la rare chance de vivre dans un pays où l’on peut librement donner son avis, et où il arrive même parfois qu’il en soit tenu compte, ce n’est pas si cher payer pour éviter le sort de ceux qui vivent là où ce n’est pas le cas.

Cela dit, si moi je ne vais pas voter, c’est pour la seule raison vraiment légitime :

Je l’ai déjà fait (par anticipation).

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