dimanche 7 mars 2010

Bis repetita placent

Bis repetita placent

(les choses répétées plaisent)

Quand j’écrivais tout le bien que je pensais de Chez Octave, et que Marcèle me répondait qu’elle y retournerait volontiers, nous n’imaginions pas y retourner trois semaines plus tard, et dans les mêmes circonstances.

Il y a bien sûr des raisons bêtement chronologiques à cet effet dominos. Les oncles et tantes sont arrivés dans la vie en tir groupé, et c’est ainsi qu’ils en sortent. Nous avons dont été rappelés au chevet d’un cercueil, pour rencontrer des cousins massés autour d’une personne statufiée, cirée, luisante et pourtant étrangement absente de cette réunion dont elle était la raison.

Les possibilités d’hébergement n’étant pas infinies à Montmagny, et l’emplacement de l’auberge étant un argument supplémentaire, nous avons réservé au même endroit, espérant adoucir la tristesse de l’occasion et la fatigue du voyage par l’agrément du lieu, de l’accueil et de la table.

Nous partîmes donc après que ma vaillante épouse eût finit sa journée de travail, et fîmes route de nuit jusqu’à ces lointaines contrées nordiques. Une chance pour moi que l’hiver québécois ait choisi de prendre des vacances en Europe et dans le sud.

Nous arrivâmes donc en début de nuit, quelque peu fourbus, et allâmes illico présenter nos respects tardifs aux éplorés de service, le salon fermant tard et se trouvant à portée de pied de notre choix de repos. Il y avait encore du monde, aux deux endroits.

Après la reprise de contact familial, cap sur Octave, où nous étions attendus.

Une bière étrange mais bienvenue au bar, une discussion intéressante avec le propriétaire qui en faisait autant, et nous nous retirâmes dans nos appartements, non la chambre mansardée que nous avions occupée trois semaines auparavant, mais « la » Chambre, ou suite – spacieuse, agréable, silencieuse malgré qu’elle donne sur la rue, décorée d’un bois de lit sculpté aux fables de La Fontaine, que l’on retrouve aussi sur deux miniatures accrochées aux trumeaux.

Un rouet dans un coin rappelle au mari moderne que les femmes avaient autrefois un rôle défini.

Le lien wi-fi complaisamment prêté par l’auberge me permit de vérifier que le reste du monde ne me réservait aucune mauvaise surprise, puis nous entreprîmes de vérifier que le matelas de cette chambre était aussi somnifère que le précédent – ce qu’il se révéla être. Nous fûmes un peu surpris par la teinte insolite de la salle de bains, vaste et commode, mais décidément le rose n’est pas ma couleur favorite.

M’étant relevé nuitamment pour prendre un verre d’eau, je compris vite pourquoi on avait obligeamment mis à notre disposition de petites bouteilles d’eau minérale. Mon second verre ne vint certes pas du robinet.

Le lendemain, petit-déjeuner studieux, pendant lequel nous dégustâmes de succulentes petites choses inattendues à cette heure. Ma brouteuse compagne remarqua la fraîcheur des fruits, ni trop verts ni trop mûrs, et je me suis noyé dans un café (un vrai, un express, naturellement) qui, quoi qu’on m’en ait dit, semble bien être le meilleur de la ville, pour en avoir goûtés plusieurs aux alentours.

Nous fûmes fort aimablement accueillis par la maîtresse des lieux, dont l’apparence m’aurait révélé qu’elle avait séjourné quelques années en France si elle ne nous l’avait dit. Il y a un je ne sais quoi dans le style qui sent le raffinement sans ostentation.

Requinqués par une nuit régénératrice et un petit-déjeuner roboratif, nous vaquâmes à nos occupations : moi par Internet, grâce à la bienveillance de nos hôtes, et ma compagne en roulant et marchant. Je me suis derechef adonné à mon vice caféiné, plus par gourmandise que par nécessité. Ensuite, comme il nous était impossible de résister aux sirènes gastronomiques de cette table que nous avions certes connues d’abord en des circonstances exceptionnelles – c’était le soir de la Saint-Valentin – nous décidâmes de profiter de ce qui est, jusqu'à preuve (improbable) du contraire, la meilleure table de la région, avec l’Auberge des glacis.

Nous allâmes ensuite visiter la tante récemment veuve de l’oncle dont le décès avait motivé notre première visite, trois semaines auparavant. Toujours aussi aimable, accueillante, mais effrayante. Elle avait l’air d’avoir été embaumée préventivement, ce qui fit redouter à mon épouse de devoir revenir trop vite en de semblables circonstances. Nous la quittâmes alors qu’elle allait se reposer, et revînmes à notre port d’attache octavien.

Nous n’en étions qu’à l’apéritif – kir royal et pastis – quand une cousine de mon épouse, celle que nous venions de rencontrer chez la tante cireuse, lui téléphonait à l’auberge pour nous inviter à dîner. Mais nous avions réservé, et nous étions trop alléchés. Nous convînmes d’aller prendre le dessert avec elle.

Ce qui fut fait. Encore sous le charme d’un repas à la mesure de nos espoirs – qui étaient grands – et tout gavés de bon bœuf et de vin délicat, nous allâmes visiter l’accueillante cousine, qui nous présenta ses fils, puis nous allâmes derechef présenter nos devoirs et condoléances à la famille assemblée autour des restes embaumés de la pauvre défunte.

Après des adieux qui durèrent longtemps, nous reprîmes la route vers le sud-ouest . Nous nous efforçâmes, vainement, de mémoriser les noms et les visages de tous ces gens que nous n’avons que trop rarement l’occasion de rencontrer. Le mimétisme matantiste est l’une des principales difficultés. Les matantes, en effet, semblent toutes adopter la même apparence et sont plus difficiles à distinguer entre elles que deux Pékinois. Le cheveu bleuté, rare et frisé, la silhouette cylindrique, elle existent en deux tailles, la très petite et la grande. Il faut être expert pour les reconnaître entre elles.

Nous arrivâmes à 18 heures, fourbus encore, attristés par ce second décès, mais ravis de notre séjour en auberge, et mîmes de l’ordre dans nos sentiments arc-en-ciel à l’aide de quelques gouttes de spiritueux.

En ce qui nous concerne nous n’avons que peu d’occasions d’aller à Montmagny, autres que familiales, et bien que nous le redoutions, nous ne souhaitons pas que cela se reproduise trop vite ni trop souvent. Mais nous avons au moins qu’il y a là un havre de paix et de bonne chère qui atténue de beaucoup le désagrément de rouler longtemps pour aller partager un deuil.

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