dimanche 19 décembre 2010

farmetayeulisme

Le “farmetayeulisme”

Ces temps-ci, un mal sournois semble affliger le Québec. Il s’appelle le farmetayeulisme.

— — — Ce mal se reconnaît à ce qu’on cherche à clouer le bec des gens qui osent dénoncer les dysfonctionnements du système - lequel n’en a aucun ? – en leur faisant des reproches, en les menaçant, en les agressant verbalement ou physiquement, ou en les ensevelissant sous les mises en demeure et les procès en diffamation.

— — — C’est que, voyez-vous, la liberté de parole, ce n’est pas pour le commun des mortels. C’est réservé à une caste, à des gens qui comptent, c’est-à-dire qui savent compter, et qui jamais, au grand jamais, ne diraient quoi que ce soit qui puisse éventuellement ternir la réputation d’autres gens qui comptent.

— — — Les premières victimes de cette pathologie sociale sont évidemment les journalistes, auxquels on reproche amèrement de faire leur métier, jusqu’à leur tirer dessus… dans des stationnements.

— — — Ensuite, ce sont les sources de ces journalistes que l’on veut faire taire, les “dénonciateurs”, les “whistle blowers”. On exige que leurs noms soient publiés, pour mieux faire pression sur eux. On accuse des crimes les plus improbables l’animateur de Wikileaks, on l’emprisonne, on cherche à l’envoyer dans une oubliette étatsunienne ; des élus ont même osé appeler publiquement à ce qu’on l’assassine. Quand un mollah iranien lance une fatwa, on ne trouve pas ça bien.

— — — En troisième position, les simples citoyens qui ont l’outrecuidance d’oser poser des questions sur l’usage qui est fait des fonds publics, et auxquels on répond que cela ne les regarde pas, que « ce n’est pas d’intérêt public », qu’on ne sait pas, ou qu’on y répondra plus tard en privé. Sans rire.

— — — Il semblerait que la démocratie, tout comme les promesses, n’engage que ceux qui y croient, s’il en reste. Allez donc reprocher, après ça, aux électeurs de ne plus participer au jeu démocratique, qui leur apparaît de plus en plus comme une forme vide, un faux-semblant.

— — — La question qui demeure : à quel moment les gens qui se pensent au-dessus de la plèbe abandonneront ces apparences et assumeront leur intention d’exercer une dictature, au risque de provoquer, tout de même, quelques réactions ? La question corollaire étant de savoir jusqu’où ladite plèbe est prête à se laisser faire.

—¶—

— — — Une conseillère municipale de Terrebonne, tout à fait courroucée, a publié son point de vue d’une élue (rappelons que ces élections n’ont mobilisé, comme souvent, qu’une faible minorité des citoyens inscrits).

— — — Pas contente, la madame. Insultée. D’abord, elle a eu la vocation. C’est déjà admirable. Ensuite, elle s’est sacrifiée, et sa famille avec elle, pour se mettre au service de la communauté. On ne peut que s’émouvoir devant tant d’abnégation. Il va sans dire que les conseillers municipaux n’ont absolument rien reçu sous quelque forme que ce soit en compensation pour leurs sacrifices exemplaires.

— — — La dame nous explique donc qu’elle est une victime. Ça marche très fort, la victimisation, au Québec. Il semble même que ce soit la seule façon de se concilier l’opinion publique. Récemment, le maire de Terrebonne en a fait autant, et jusqu’au premier ministre du Québec, en guise de préambule à l’annonce de leur candidature à leur propre succession. On les prendrait tous volontiers en pitié. Tellement, qu’on leur souhaiterait d’échapper à ces charges trop pesantes et de prendre un repos bien mérité.

— — — « Quand on se lance en politique, on donne le droit à la population de nous juger tous les 4 ans. On laisse notre destin dans les mains de gens qui, parfois, ne le méritent pas. », dit-elle. Tout est là ; les électeurs sont ingrats ; juger les élus est illégitime (ce n’est pas explicite, mais c’est ce que j’ai cru voir entre les lignes). Hélas, dans le système qui est censé être le nôtre, les élus sont au service des électeurs, et non l’inverse, et ils ont des comptes à leur rendre. En permanence.

— — — « Aux 4 ans, on sollicite leur appui et à peine 30% d’entre eux daignent se déplacer… mais quand un journaliste mal intentionné révèle des “faits” sur les agissements d’un élu, tous s’indignent et montent aux barricades! Vous étiez où? Vous faisiez quoi ? »

— — — Ah, sur ce point, la dame a entièrement raison. Ce décrochage citoyen est absolument inacceptable, au point qu’une élection remportée par moins du cinquième des électeurs inscrits ne signifie absolument rien, et ne devrait même pas être validée. Sans parler des “élus par acclamation”, ce qui relève de la farce. J’irais jusqu’à dire que les citoyens devraient aussi s’occuper de leurs affaires entre les élections. Cela dit, les journalistes ne sont pas tous malintentionnés, et les faits qu’ils dévoilent ne sont pas tous controuvés ; cela mériterait au moins une enquête sérieuse, ne serait-ce que pour blanchir la réputation des personnes soupçonnées, laquelle tire plutôt sur le gris anthracite, un peu partout au Québec. Ce n’est certainement pas en niant le malaise qu’on pourra réévaluer un rôle pour le moins terni. Mais oui, la question finale de cette malheureuse élue, qui a voté une motion unanime de soutien à son maire, acceptant ainsi la responsabilité de tout ce que l’on pourrait éventuellement trouver d’indélicat dans ses pratiques, s’il échet, est parfaitement légitime, et je souhaiterais que tous les citoyens y répondent. Moi aussi, j’aimerais savoir pourquoi les deux citoyens sur trois qui n’ont pas fait l’effort de se déplacer ont laissé au hasard, à l’inertie ou au copinage le soin de choisir leurs “élus”.

— — — Cette pauvre femme, qui se dit victime d’un génocide (le mot est un peu fort), devrait laisser tomber ce rôle ingrat avant d’en être trop affectée. Quitte à laisser la place à des “clowns” (cette fois, le mot est plutôt indécent) car, après tout, ces ingrats d’électeurs l’auront bien mérité.

— ¶ —

— — — À Mascouche, Monsieur André Côté s’indigne contre les “professionnels de l’indignation”.

— — — Il concède que certains faits sont troublants. C’est bien le moins. Il pense qu’on veut guillotiner les suspects. Je n’ai pas vu passer cette demande. Il reproche à des citoyens de demander des comptes lors des séances publiques du conseil municipal. Je croyais naïvement que ces séances étaient aussi faites pour ça. Enfin, il leur demande de se taire et de ne pas s’indigner. Nous en revenons au fermetayeulisme ambiant, et à un fatalisme de mauvais aloi. Je crains, Monsieur, que les gens ne soient pas tous prêts à oublier tout ça et à tourner la page. Je crains, mesdames et messieurs les “élus” et leurs amis, que la question refera surface de l’autre côté des fêtes, et continuera d’être posée obstinément jusqu’à ce qu’elle reçoive une réponse satisfaisante. Et pas seulement par des “nobodies”.

— — — Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne année 2011 et la meilleure santé sociale possible.

1 commentaire:

Thibaud a dit…

Signalez-moi les co[q]uilles.