mercredi 27 juillet 2011

PERIPLE

Un périple français

Photos de Thibaud et photos de Thomas.

Au début de l’année 2011, nous avions envie de faire une dernière visite au pays de nos racines. C’est, paradoxalement, la plus récemment française de nous trois qui en avait le plus envie. J’avais quelques réticences, trop conscient que j’étais de la précarité de notre situation et de la fulgurante évolution sociale et politique de la France depuis que je l’avais quittée, en 1985. Nous étions revenus en 2001, les attentats du WTC n’avaient pas eu lieu, la monnaie était le franc, et l’on parlait encore à peu près français en France. Il n’y avait pas de tzar, on ne parlait pas des Roms.

Je restais en contact, via internet, avec quelques habitants des vieux pays, ce qui me confortait dans le sentiment que j’étais, à tous points de vue, devenu un hybride étrange, encore très français (voire vieille-France), pas vraiment nord-américain, mais surtout pas à la mode moderne. Je ne parle ni beur ni franglais, le maniérisme des américanolâtres qui se croient tous forcément compétents en spéculation financière, le « pie‑pôle », le cynisme ostensible, l’égoïsme systématique et tous ces traits qui se sont accentués depuis les années 80 m’agacent et me dépriment également.

Nous planifiâmes donc une ultime excursion en France, qui nous mènerait de Paris au Raincy, puis à Appoigny et Charbuis près d’Auxerre, puis à Chantelle en Bourbonnais, ensuite brièvement dans le Var, puis à Montpellier, puis en Catalogne, puis à Pau. Ensuite, retour par la Bretagne, enfin à Paris quelques jours, pour reprendre un vol à CDG vers PET.

Ouf.

Plus la date approchait, plus nous étions (certain plus que d’autres) fébriles.

Horréoport

Le dimanche de notre départ, une aimable employée étatsunienne d’Air France nous téléphone pour nous demander de consentir à partir à 19 h au lieu de 17 h. N’ayant aucune bonne raison de refuser, nous acceptons.

L’ami qui devait nous conduire à l’aéroport ayant été victime la veille d’un sévère accident de cuisine, avait dû aller à l’hôpital et risque de perdre en partie (provisoirement, on l’espère) l’usage de sa main droite. Celle qui fait les notes à la guitare, pour un gaucher.

Nous nous présentons donc, grâce à une consœur solidaire, à l’aéroport PET-Dorval dans les délais prescrits. Nous faisons la queue interminablement. On nous apprend que le vol qui devait partir à 17 h partira finalement à… 23 h 55. Une autre longue file d’attente pour nous faire octroyer la ristourne consentie par Air France. Passage obligé par les détecteurs divers et variés, sous l’œil soupçonneux de personnages en uniforme à l’accent indéfinissable. C’est là que j’ai appris que j’avais une personnalité irrémédiablement magnétique : presque tout nu je fais encore sonner leurs indiscrets ustensiles. Ils m’ont donc déshabillé – virtuellement, heureusement pour eux. Ensuite une autre longue attente, durant laquelle nous avons dépensé les bons-rabais de la compagnie pour nous offrir un repas correct dans la zone internationale, sans lesquels le prix aurait été radicalement prohibitif. Puis nous dûmes encore faire la queue pour embarquer. Les quelques personnes qui ont osé demander à l’employée grisonnante et revêche d’Air France si elles étaient à la bonne porte se sont fait rembarrer sans ménagement ni politesse.

Nous apprîmes plus tard que le premier délai était dû à ce que l’avion initialement prévu pour le vol de 17 h avait été remplacé par un autre appareil, où il y a plus de sièges de première classe et de classe affaire, donc moins de place pour les simples mortels (mais plus de profits pour la compagnie).

Quant au second retard, c’est un pilote d’escalier qui aurait percuté un avion à Roissy, l’immobilisant ainsi au sol…

Enfin nous vîmes arriver cet énorme chose pataude qu’est l’Airbus A-380 – nettement plus impressionnant de l’extérieur que de l’intérieur. À partir de là les passagers furent pris en charge par le personnel de vol, à l’impeccable courtoisie.

En l’air

Nous avons passé un vol sans histoire, six heures seulement, vu deux comédies, apprécié les fonctions de l’écran tactile incrusté dans le dossier du siège devant nous – nous avons seulement moins apprécié de devoir incruster nos jambes sous ledit siège, tant les places sont serrées. Même de petits modèles d’humains comme nous n’avions pas assez de place. On sort de là avec des crampes et des genoux douloureux. D’autant plus désagréable qu’il faut beaucoup cavaler ensuite.

Le vol fut rapide, légèrement plus brutal que ce à quoi j’étais habitué. Nous n’avons pas mangé à bord – puisque nous avions pris un repas à l’aéroport, très onéreux (en partie défrayé par Air France) mais excellent.

À terre atterrés

Ensuite, arrivés à CDG vers midi (6 h heure de Montréal), nous avons dû marcher très longtemps pour trouver le carrousel où récupérer nos bagages, puis quelques kilomètres pour chercher, errer et finalement trouver, après bien des incertitudes, la navette vers l’hôtel (l’un des trois parmi une multitude qui portent le même nom, ou presque). Les indications ne sont pas tout à fait absentes mais nettement insuffisantes pour qui n’a pas fréquenté cette aérogare récemment.

Dédale, dans le Labyrinthe, avait au moins la possibilité de s’évader par le haut. Mais dans ce fouillis en trois dimensions, comment faire ?

Nous sommes finalement arrivés – toujours en doutant si nous étions au bon endroit – à la navette qui menait à l’hôtel où nous avions réservé.

Le chauffeur maghrébin connaissait très bien le circuit et les limites de son autobus, qu’il poussait à leur extrême limite, ainsi que les passagers secoués. Les bagages dansaient. Nous survécûmes.

Finalement nous sommes tombés sur le bon hôtel du premier coup. Les deux jeunes femmes à la réception nous ont très aimablement accueillis, nous ont fait nos clefs magnétiques, nous sommes montés fourbus à la chambre, qui a refusé de s’ouvrir.

Nous sommes donc redescendus en informer la réception. L’une des jeunes réceptionnistes est venue nous ouvrir avec son passe-partout en nous expliquant d’un air faussement gêné que la mise à jour des serrures demandait un certain temps.

Heureusement, la petite chambre était très confortable, pourvue de tout le confort souhaitable. Nous avons fait une brève sieste jusqu’à 15 h [F] – nous étions debout depuis 6 h [Q] dimanche.

La rallonge électrique sur laquelle je comptais pour recharger nos appareils, une fois branchée (seule) dans une prise de la chambre, a fait “pouf” et un joli petit nuage. Plus de courant. Heureusement il a suffi de remettre le disjoncteur. La jeune réceptionniste prit un air un peu crispé.

Ensuite nous sommes allés prendre un petit apéro dans un palace voisin, puis un repas peu copieux, onéreux, mais très excellent dans un autre. Au retour, ablutions et sommeil. Nous nous sommes couchés et avons dormi, à 15 h [Q], [= 21 h F]. Profondément, mais en pointillé.

En voiture, ou presque

Le lendemain, après un gobelet de café pas français mais offert, nous sommes revenus dans l’immense aéroport par la même navette agitée – ce qui nous a permis de faire tout le circuit des hôtels alentour. Arrivés vivants à CDG, nous avons fini après bien des tentatives par trouver AVIS, dans une cave en travaux. File d’attente encore. Une aimable Lætitia nous a fait les formalités nécessaires, puis nous sommes allés trouver la voiture au fond d’un grand stationnement. Sortir de là ne fut pas facile, nous avons tourné en rond, nous avons enfin trouvé l’autoroute. L’embrayage de la voiture, une Opel Mériva, ne fonctionnait pas très bien.

À Villemomble

Nous sommes allés à Villemomble, où nous avons déjeuné avec Didier, Myriam, Agnès, et ses deux petits garçons. De là, à pied au Raincy, où je suis allé faire des formalités et visiter un peu le bas de l’avenue de la Résistance, dont l’église du Raincy, qui est célèbre plus pour l’histoire des techniques que pour celle de l’art, en tant que première structure ajourée en béton armé. Nous avons prit un pot dans un « pub », comme on désigne les bistrots en France. Ensuite, dîner avec, en plus, le sympathique et talentueux mari d’Iris, Nicolas de Palmar. Ces deux là semblent avoir oublié d’être bêtes.

Je fus rassuré de constater que Didier avait repris du poil de la bête, encore que fort localisé. Sa physionomie s’agrémente désormais d’un troisième sourcil, sous le nez.

Nous avons beaucoup discuté, éprouvé le tranchant de l’esprit familial, et vu de belles choses.

Le lendemain, mercredi 15, nous étions censés prendre la route pour Auxerre. L’embrayage a fait défaut à quelques kilomètres de là. Nous nous sommes trouvés en panne au milieu d’une rue étroite, suivis par des automobilistes impatients qui klaxonnaient hargneusement. Perdus au milieu de Villemomble, au milieu de nulle part. Deux aimables passants, un Marocain et un Normand exilés en banlieue parisienne, ont poussé la voiture afin de libérer la rue, et nous avons appelé Avis. Puis rappelé. Et encore, Et encore. Nous attendîmes des heures. Cinq en tout.

Nous sommes allés maintes fois au bar voisin, « Les cinq dernières minutes », fondé par une ancienne vedette de l’ORTF, interprète de l’adjoint du commissaire Bourrel dans le feuilleton policier du même titre. Le secourable Normand en était le barman. Finalement, après cinq heures de dialogues de sourds avec des employés qui feraient pâlir d’envie les caricatures les plus obtuses de fonctionnaire, nous avons obtenu de faire venir une dépanneuse (qui avait d’abord été envoyée dans la mauvaise ville) pour charger la voiture paralysée, puis nous avons dû rappeler AVIS, puis nous avons vu (plus tard) arriver un taxi maghrébin qui nous a expertement et vivement conduits à toute allure dans un dédale de ruelles jusqu’à la plus proche agence AVIS, une minuscule pièce affublée d’un mini-garage au milieu de Pavillons-sous-Bois, un endroit où je ne serais pas allé de mon plein gré.

Les trois jeunes Français d’origine exotique ont calmement écouté nos doléances, se sont retenus de dire tout haut ce qu’ils en pensaient (par fidélité envers leur employeur, mais ça se voyait), mais se sont démenés pour nous sortir de notre pétrin de banlieue. Ils ont expérimenté à leur tour l’esprit de non-coopération du bureau central d’Avis France. Finalement, ils ont osé prendre une initiative. Nous avons pu prendre livraison d’une Peugeot, manuelle, bien plus petite, mais française, robuste et facile à conduire. Chapeau, le trio. Mais cinq heures d’attente pour tout ça, c’est beaucoup – et ça a perturbé nos plans.

Là, il était tard, et nous sommes retournés chez Didier et Myriam, que nous avions prévenus de cette éventualité. Nous fûmes tout aussi bien re-reçus, avec le seul bémol que nos hôtes avaient un dîner en ville et ne pouvaient donc rester avec nous, ce que nous étions bien disposés à leur pardonner très volontiers. Nous avons donc déposé derechef nos valises et sommes allés faire un petit tour du Raincy pedibus cum iambis.

Étrange mélange de souvenirs toujours présents concrètement et de changements manifestes.

Nous avons tout de même pu constater que même en proche banlieue parisienne, la réputation que l’on fait aux Français d’être des mauvais coucheurs est très surfaite. Seuls les employés au téléphone d’AVIS nous ont indisposés par leur négligence et leur indifférence. Toutes les personnes que nous avons vues face-à-face furent très courtoises. Même à douze kilomètres de Paris.

Au retour de notre promenade dans les tranquilles ruelles raincéennes, nous avons trouvé Agnès et Nicolas qui nous attendaient et s’apprêtaient à dîner. Nous les avons regardés sans partager leur repas, nous en avions tant soupé que l’appétit n’y était plus. Ensuite nous nous sommes tous installés au jardin et avons discuté de choses et d’autres, et surtout de celles que nous avions en commun, c’est-à-dire de cette inracontable famille à laquelle j’ai l’heur mitigé d’appartenir.

Après une nuit un peu moins tendue, un peu moins blanche, nous avons pris un petit-déjeuner avec nos hôtes, puis la route.

Vers Appoigny

Le tandem Tomtom-Thomas s’est révélé tout à la fois utile et désastreusement irritant, l’élément humain ne transmettant les informations que fort mal, fort tard, et les entrecoupant de commentaires aussi obscurs que superflus. Mais nous avons tout de même réussi à sortir de l’agglomération péri-parisienne et à nous diriger par la route – je ne tenais pas à prendre les autoroutes à péage, faute de moyens de paiement adaptés et d’intérêt pour les autoroutes sans personnalité – jusqu’à Appoigny, où nous sommes arrivés raisonnablement tôt.

Serge nous y attendait et nous accueillit à bras ouverts, à chien lécheur et sauteur et à autre chien grogneur. Il avait fait des frais de bière, de vin et de nourriture pour nous accueillir. Nous avons apprécié son installation, telle que dans nos souvenirs, et son inépuisable générosité. Il nous a régalés de viande grise et de vin sombre, après quoi il nous a conduits vers sa maison avunculaire de Charbuis, qui pourrait être tout à fait habitable si elle était plus souvent habitée. Un bon feu dans le poêle a chassé un peu d’humidité, nous avons passé une agréable soirée, et dormi.

Guédelon

Le lendemain, nous sommes allés en sa compagnie et à sa suggestion visiter le chantier d’un château fort à Guédelon [N 47° 34.884’ , E 3° 9.370’]. Cela faisait quinze ans peut-être que j’avais entendu parler de cette expérience et que je voulais la voir. L’histoire des techniques est parfois assez mal documentée, et les théories des historiens comme celles des archéologues méritent d’être mises à l’épreuve des faits. Ainsi, un charpentier nous a montré et démontré que les poutres avaient bien plus probablement été taillées à la doloire plutôt qu’à l’herminette. On nous a montré comment faire un mortier médiéval, et comment pétrir, former et cuire des tuiles bourguignonnes. Un Anglais a même tourné un bol de bois devant nous. Nous avons tout visité, et nous en gardons un souvenir vivace. La seule nuisance était la volée d’écoliers piaillants et la trop grande affluence de curieux anachroniques (tels que nous). Serge a très longuement parlé avec chacun des artisans. Marcèle courait en avant et s’impatientait, Thomas et moi allions de l’un à l’autre en prenant des photos.

Ensuite nous passâmes voir et visiter le château de la Grande Mademoiselle à Saint-Fargeau, celle-là même, je crois, qui logea au château du Raincy et y fit donner sous sa protection la première du Tartuffe de Molière. Nous avons visité tout ce qui était visitable, y compris les combles, tandis qu’il tombait des hallebardes dissuasives à l’extérieur. Puis nous sommes rentrés fourbus à Charbuis, y avons pris un repas trop copieux pour notre bien-être et nous sommes écroulés bientôt.

Le trajet fut un peu long car Serge, dans le voisinage de Charbuis et d’Appoigny, a coutume de s’arrêter très fréquemment pour montrer l’une des innombrables parcelles microscopiques et dispersées qui constituent son exploitation agricole de 50 hectares, à moins que ce ne soient quelques lapins ou les oreilles d’une biche dans les blés. Et plus loin, pour nous montrer tous les lavoirs et tous les points d’intérêt de la région, qui en est fort pourvue. La densité de ces derniers m’a conforté dans l’idée que l’on ne saurait sérieusement visiter la France, ou même un seul terroir, sans y consacrer beaucoup de temps. Nous avons mangé les meilleurs croissants de notre vie dans le village de Chatel-Censoir [N 47° 31.986’, E 3° 38.055’].

C’est alors que je croisai malencontreusement un miroir qui m’affirma que j’avais toujours une tête de décalé horaire.

Vézelay

Le lendemain, nous sommes allés voir l’incontournable Vézelay, en passant par l’inévitable (pour moi) Asquins, où j’ai des souvenirs émus. La Basilique, pareille à elle-même, ne déçoit pas, la pluie intermittente a laissé assez de soleil pour que nous puissions la voir sous son meilleur jour, et la campagne environnante, mais l’excessive avidité des chasseurs de touristes nous a dissuadés de nous attarder sur cette colline vénale. Le temps était chagrin tout le long du parcours mais quelques éclaircies nous ont permis de voir le paysage sous le soleil qu’il mérite.

Serge se désolait de voir tant de bâtisses en ruines et tant de villages à demi désertés, tandis que je me gavais de visions de vieilles pierres préservées, tout en me disant à part moi que l’absence de développement économique a aussi des effets positifs.

Retour à Charbuis, dîner en compagnie de Serge, longues discussions sur la politique cynégétique française – toujours le même problème, les décisions sont prises par des gens qui n’ont aucune idée de ce dont ils parlent et qui n’auront pas à les subir – puis sommeil.

Le lendemain matin, Serge est venu en compagnie de ses deux chiens, dont il ne peut rester éloigné plus de quelques heures sans se sentir dépérir. Ils nous ont fait fête, même le grognon Ramsès, tandis que l’enthousiaste Flâneur a trouvé chez les voisins un (plus ou moins) labrador, couard, gueulard, mais par ailleurs sympathique.

Lesdits voisins, les Gomez, des Portugais installés en France depuis des lustres, m’ont aimablement prêté leur lien internet le temps que je relève mes messages et que j’envoie un mot à la compagnie FIDO qui n’avait pas activé mon abonnement comme elle m’avait assuré l’avoir fait (mais qui me factura tout de même le service inaccessible).

Enfin, nous avons suivi Serge jusque chez lui à Appoigny, d’où nous pensions partir vers Chantelle en Bourbonnais.

Ou du moins, c’est ce que nous étions censés faire.

Parce que Serge s’arrêtait encore tous les cinquante mètres pour nous désigner derechef l’une de ses parcelles. Ensuite il nous a emmenés dire au revoir à un sien ami, puis à un cousin, puis à un autre… et chaque fois il fallait se battre avec la dernière énergie pour refuser de rester manger et de boire… mais comme le dit si bien Rabelais, « pour ce qui est de manger, qui me peut ne peut ; pour ce qui est de boire, on se force. » Il me fallut ensuite prendre le temps de métaboliser tout ça avant de partir.

Bref, nous ne nous sommes mis en route que vers midi vers Chantelle, par des moyens détournés et des chemins improbables, du fait du duo Thom Tomtom.

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Chantelle

Là, nous avons compris que le GPS est un système extraordinaire, quand on sait s’en servir… et que la logique de la machine ne doit rien au bon sens. Après de nombreux détours improbables, nous avons fini par trouver la route de Moulins, puis de là, Chantelle, où nous sommes arrivés dans l’après-midi. Trouver à se garer dans ce lieu autrefois tranquille mais devenu touristique ne fut pas trop difficile, un trou providentiel se fit à notre arrivée. Je suis allé demander à la sœur affectée à la vente de bien vouloir prévenir la célèbre sœur Marie-Suzanne (une vedette depuis qu’elle est passée sur TF1) que “ses Canadiens sont arrivés”.

En communauté, tout se partage, même les familles. Nous sommes donc, peu ou prou, apparentés à toutes les sœurs en religion de ma tante. Toute les huit.

Faute de relève – de novices, donc – l’abbaye de Chantelle est vouée à la disparition. Une fois dispersés les reliquats de la communauté rien ne préservera plus le château d’Anne de Beaujeu des diverses avidités ni des profiteurs de tout poil.

L’une des principales raisons de notre expédition en France était de rencontrer les amis et la famille, surtout ceux dont l’âge exigeait une certaine promptitude. Nous avons donc passé avec Tante Claude presque tout le temps de parloir auquel elle a droit, échangé des potins, des photos, et toutes sortes de choses qui devraient lui être agréables. Bien qu’elle ait choisi le cloître, et y soit demeurée depuis 1947, notre vieille tante (mais décidément pas vieille dans sa tête) n’a pas de plus grand plaisir que de recevoir des visites. Elle en souhaiterait bien entendu davantage, mais de là où nous habitons, cela fait loin et cher. Heureusement quelques-uns des plus jeunes parmi mes neveux font l’effort de la visiter parfois.

Je ne prétends pas comprendre comment une personne saine d’esprit – et je ne doute pas qu’elle le soit – peut choisir de mourir au siècle et de se cloîtrer dans une routine immuable. Mais après tout, je ne comprends pas davantage la foi de ceux qui disent l’avoir. Réciproquement, notre bonne tante ne comprend pas les contraintes séculières telles que l’éloignement, le temps de vacances limité, le prix du voyage et la logistique en général.

Aussi contradictoire que le monachisme cénobite, qui consiste en somme à vivre une grande solitude à plusieurs, l’avidité d’information de notre nonne est un peu surprenante. Comme quoi il semble possible de vivre le détachement sans toujours l’éprouver.

Les nonnes se sont empressées de nous recevoir au mieux. Nous nous sentîmes choyés. Les repas furent (en général) excellents, l’hébergement tout à fait convenable et nous eûmes même le temps qu’il fallait pour faire de belles images. Ne manquait que le recueillement nécessaire à la rédaction de ces notes.

Tante Claude jouit d’une grande estime à Chantelle. Nous y avons été reçus somptueusement, avec des torrents d’amabilité. Tout le monde nous connaissait d’avance.

Ça fait peur, un peu.

Bien que les repas à l’abbaye fussent plus que corrects (à deux exceptions près), j’ai tenu à exposer Marcèle et Thomas à la gastronomie locale, dans une auberge récente, très convenable, tenue par un ancien motard et sa minuscule épouse tatouée, fin cordon bleu. Thomas a pris une escalope de poulet sauce forestière, et moi des andouillettes grillées, à la sauce locale (qui ressemble à de la dijonnaise). Un petit Saint-Pourçain blanc pour arroser. Ce fut excellent.

Marcèle a choisi de prendre une pizza.

Le temps étant changeant, nous avons eu toutes sortes de lumières différentes à toute heure du jour, ce qui m’a permis de faire quelques clichés très différents des mêmes vieilles pierres.

Puis vint le moment des adieux. La tante Claude les reçut stoïquement, bien consciente qu’étant donnés son âge et notre état de fortune et de santé, il était fort probable que nous ne nous verrions plus avant que l’un de nous ne passe. Elle fut très contente de notre visite, attristée de notre imminent départ. Mais elle avait appris, depuis 1947 (et probablement un peu plus tôt), à digérer les frustrations et les déceptions. Elle a eu le plaisir, immense pour elle je pense, de voir son neveu, son épouse et, surtout, son petit-neveu Thomas auquel elle voue une adoration à la mesure de son éloignement et de la rareté de ses visites. Elle lui confia quelques archives personnelles qu’elle ne voulait pas laisser détruire ou tomber entre des mains indifférentes.

Thomas et moi n’eûmes pas souvent l’occasion de communiquer avec l’extérieur par internet, du fait de la paucité des liens disponibles mais aussi de la relative complexité du matériel local – ou de l’involontaire incompétence des détenteurs de ce dit matériel.

Nous appréciâmes grandement le confort et la tranquillité de l’hostellerie, où nous étions logés, tout autant la table qui fut excellente… au début. Mais après les deux derniers dîners nous nous sommes félicités de n’avoir pas un appétit à la mesure de celui du rond chapelain, et d’avoir mangé une fois en ville. Encore que, “en ville”, s’agissant de Chantelle, un village perché de mille habitants, soit une expression quelque peu ambitieuse. Mais la librairie vient de rouvrir, ainsi que la bibliothèque (à temps partiel), et la mairie est en travaux. Le syndicat d’initiative sert de mairie en attendant la fin de la reconstruction. La personne qui nous y a reçus fut extrêmement serviable.

Adieux

Le mercredi 22 juin, après un violent orage suivi d’un grand vent, puis d’un soleil éclatant, nous nous promenâmes “en ville” et revînmes à l’abbaye pour notre dernier parloir avec Tante Claude, alias Mère Marie-Suzanne de son nom de guerre, avant notre départ prévu le lendemain 23 juin dès potron-minet. Le petit garage du coin de la rue Anne de Beaujeu avait enfin reçu sa livraison de “fioule”, nous pourrions remplir le petit réservoir de la très économique Peugeot que l’inénarrable compagnie AVIS nous avait consentie. Le chemin serait long, mais nous espérions arriver à bon port un jour, ou une nuit.

Après un dîner en compagnie du gentil chapelain au ventre rond mais à la mince conversation, où les navets et la salade bouillis nous firent éprouver une immense compassion pour les moniales, nous nous retirâmes en nos quartiers pour préparer les bagages et la nuitée, qui devrait être roborative.

Alpes

Thomas avait programmé le GPS, à ma demande, pour éviter les autoroutes à péage. Le résultat fut que la machine nous déconseilla toutes les autoroutes, car elles semblent être pratiquement toutes devenues vénales et privées. Nous passâmes donc par les Alpes, les petites routes en lacet, les corniches, les points de vue splendides et les chemins sportifs… Marcèle a eu peur plus d’une fois, Thomas a trouvé tout cela amusant, et je me suis dit que pour avoir su passer tous ces cols sans trépasser, je méritais pour le moins un témoignage de considération. Nous étions partis de Chantelle et nous allions chez ma cousine Chantal, pas vue depuis trop longtemps, qui se trouve très bien installée dans le Var. Ce fut un long voyage parfois éprouvant mais bellissime, qu’un chaleureux accueil pétillant récompensa.

Le seul regret fut de ne pouvoir prendre des photos tout en conduisant.

Var

L’arrivée chez Chantal se fit sans encombre, avec quelques hésitations – le GPS nous affirmant que nous serions arrivés si nous allions au milieu d’un champ près d’une piste forestière – mais en consultant mon carnet d’adresse en papier et en utilisant un peu de bon sens, nous trouvâmes l’entrée, puis la maison de ma cousine.

La dernière fois que j’avais vu Chantal, c’étais à Paris, dans le XIIIe arrondissement, et elle déménageait terriblement. Psychanaliste, elle avait très fortement impressionné son confrère, beau-frère de ma première défunte épouse – et moi aussi d’ailleurs, tant elle avait du chien. Bien sûr, les années ont passé, mais le chien est resté, et la gentillesse, et le style.

Nous avons passé un trop bref mais très agréable séjour chez Jean et Chantal, qui nous a montré de magnifiques villages des alentours et qui nous a conduits chez mon oncle Jean-Paul, frère de mon père et de ma tante Claude, et qui vient d’avoir 101 ans. Ici et là nous fûmes reçus au champagne, attention à laquelle nous fûmes sensibles. Surtout Marcèle.

Les retrouvailles avec l’oncle Jean-Paul, que je n’avais pas vu depuis je ne sais combien ce décennies, furent extrêmement courtoises, légèrement chien-de faïencesques, mais surtout agréables. J’ai pu constater que le génotype Sallé (ou La Marnierre) est de bonne qualité. Si les pieds sont un peu faibles – l’oncle Jean-Paul a renoncé à conduire il y a trois ans, après un petit accident sur ces difficiles routes de montagne – le cerveau fonctionne manifestement mieux que la plupart des autres, tous âges confondus. C’est, en quelque sorte, rassurant. Il a interrogé Thomas sur ses intérêts et ses perspectives, puis lui a raconté son itinéraire professionnel, atypique, qui le mena des sciences au fonds monétaire international dont il fut sous-directeur.

Montpellier

Puis, après un fort agréable petit-déjeuner en compagnie de nos hôtes, nous prîmes la route pour Montpellier, via Aix, où j’avais envie de revoir le cours Mirabeau. Ville agréable encore qu’étouffante, trop touristique désormais, qui vaut tout de même la peine d’être vue et revue.

À Montpellier nous attendait mon ancienne voisine Myriam, qui avait déjà tout pour plaire. Elle nous a reçus en nous engueulant.

Un problème de communication a fait qu’elle nous attendait la veille. Elle n’avait pas su nos ennuis de voiture teutonne. Elle s’était inquiétée. Néanmoins, elle nous a reçus avec tout ce qu’elle avait, et plus. Nous étions dans son minuscule appartement d’artiste de Montpellier mieux accueillis que dans certain château que je ne nommerai pas.

Marcèle a exprimé à quelques reprises sa frustration de la voir rajeunir en prenant de l’âge. Effectivement, Myriam semble à près de cinquante ans avoir rajeuni d’au moins dix ans depuis la dernière fois que nous l’avions vue. Son enthousiasme intact, sa vitalité inentamée et sa curiosité tous azimuts l’on conservée et régénérée, ainsi qu’un ami de longue date qui lui apporte beaucoup.

Nous avons visité ensemble, selon son expression, « les dessous chics de Montpellier ». La promesse fut tenue. Et davantage. Thomas s’est pris de passion pour les venelles les plus étroites qu’il a pu trouver, et qui sont en effet très photogéniques. Quand je lui en ai signalé une en ces termes « Tiens, toi qui les aimes étroites », Myriam a rosi.

En visitant la partie moderne de la ville, j’ai raté une marche et, comme cela m’arrive parfois, mon genou gauche n’a pas tenu. Je me suis ouvert le genou et le pantalon.

Montpellier est l’endroit où nous aurons eu les nuits les plus torrides. En centigrades. Pour le reste, nous fûmes exemplaires.

Sète

Puis nous nous mîmes en route pour chez mon frère Alain, avec un arrêt obligatoire à Sète, pour visiter la tombe de tonton Georges. Le cimetière marin, que je visitais pour la première fois, a tenu ses promesses, tant visuelles qu’olfactives. La tombe de Brassens est, comme je m’y attendais, modeste et très fleurie.

Le musée Brassens est bien fait, mais rien pour surprendre un adepte du poète.

Après cette visite obligée, nous nous sommes mis en route pour la Catalogne, sachant que nous devrions passer les Pyrénées et entrer en pays de langue catalane. Les Alpes m’avaient préparé au pire, je ne l’ai pas trouvé. Les encombrements de camions dans les tunnels de montagne nous ont fait souffrir, d’autant plus que la petite peugeot n’avait pas de climatisation. Le castillan scolaire, ou ce qui m’en reste, s’est révélé suffisant, et le catalan écrit est relativement intelligible. Parlé, c’est un peu plus difficile.

Catalogne

Finalement, le foutu GPS nous a menés au bas de la colline où se trouve le lotissement dont fait partie la maison de mon frère, et nous a déclaré que nous étions arrivés. Crisse de tabarnak d’hostie de maudite machine. La route avait été longue, des encombrements de camions dans les tunnels avaient érodé leu peu de patience dont je dispose, et les insolentes criailleries de Thomas avaient fini le tout. J’ai arrêté la voiture, je suis sorti, et je suis allé m’asseoir dans l’herbe pour « respirer par le nez ». Après quoi, un aimable résident nous a expliqué en castillan rapide et télescopé que nous devrions aller en haut du village consulter un plan mural, où nous trouverions peut-être la rue de les mimoses (et non celle des mimosas) dont il n’avait jamais entendu parler. En montant, à l’aventure, nous avons finalement trouvé la rue, puis la maison, et nous sommes arrivés juste où il le fallait.

Alain et Geneviève, ainsi que leur petite-fille Alexandra, fille d’Olivier, nous ont accueillis non seulement courtoisement, ce à quoi je m’attendais, mais cordialement aussi. Au mousseux, que Geneviève s’obstinait à nommes champagne, au grand scandale d’Alain qui aime les termes précis.

Leur maison, qu’ils ont conçue et fait bâtir, est idéale pour recevoir. De fait, ils reçoivent souvent leurs enfants et petits-enfants. Nous avons passé là trois nuits fort agréables, ensoleillées, assez en altitude pour ne pas souffrir de la chaleur. Nous avons visité un peu les alentours en leur compagnie, et notamment la promenade marine de la Conqua qui est splendide. Le lendemain, nous sommes allés visiter, trop brièvement, Barcelone, guidés par ma petite-nièce Alexandra. Elle nous a fait rencontrer sa mère Sylvia, une artiste dans tous les sens du terme, extrêmement recevante et enthousiaste. Et nous avons fini, après quelques mésaventures et deux changements de direction, à la gare où nous attendait Olivier, qui nous a reçus avec sa nouvelle épouse chinoise, qui ne parle pas français, mais sait très bien le castillan et l’anglais – qu’elle s’obstinait à utiliser avec nous malgré nos objurgations.

Olivier nous a impressionnés par son aisance en catalan et en castillan. Il paraît qu’il apprend le mandarin. Cela fait contraste avec Alain, qui n’a pas jugé utile d’apprendre ni le catalan ni le castillan.

Le retour en métro avait été compliqué. Le retour en voiture le fut tout autant, car Geneviève avait donné rendez-vous à Olivier à mi-chemin de leurs maisons respectives, à un rond-point. Mais les ronds-points, il y en a autant en Catalogne qu’en France, c’est à dire partout. Il leur a fallu plusieurs coups de téléphone pour se retrouver, le dernier étant interrompu par Alain et Geneviève, de vive-voix, qui étaient arrivés subrepticement et descendus de voiture…

Céret

Nous nous sommes mis en route le lendemain vers 13h, avons brièvement visité Girona, puis sommes rentrés en France où nous avons fait étape à Céret, où nous avons trouvé, grâce à l’indispensable syndicat d’initiative, un petit hôtel très sympathique. Céret est une petite ville très jolie, pleine d’art, calme et agréable. Nous aurions voulu nous y attarder.

Le dîner sur la terrasse, sous la treille, dont les raisins étaient presque mûrs, était excellent et servi par un véritable comédien à l’accent parigot étrange à quelques kilomètres de la frontière. Il nous a pourtant assuré être du cru. Peut-être croit-il qu’on l’a cru.

Puis nous sommes partis pour Pau, en passant à portée de vue de Montségur.

Pau

L’arrivée à Pau fut plutôt désagréable, et l’installation dans le simili-hôtel assez déprimant. L’unique employée de cette étagère à touristes ou à VRP s’est montrée très aimable et coopérative, mais cela n’arrivait pas à rendre agréable cette formule quasiment japonaise.

Je ne raconterai pas l’horreur de circuler dans une ville encombrée aux sens interdits absurdes, ni la hantise de trouver à se garer. Mais à la fin nous avons pu trouver un trou, et visiter au moins la promenade point de vue, le château, la place royale dominée par la statue d’Henri III de Navarre (IV de France) et la ville, moins jolie que celles que nous avons vues jusque là.

Nous sommes repartis de Pau vers le nord. Une étape chez Nadia, la veuve d’un cousin, installée entre des vignes et un golf, en haut d’un coteau de bordeaux, puis étape à Angoulême. Le syndicat d’initiative, toujours serviable et bien informé, nous a indiqué un hôtel répondant à nos critères : pas trop éloigné, facile à trouver, disposant d’un stationnement, de la climatisation et si possible de l’accès à l’internet. Le stationnement était un puits de lumière entre les immeubles et la clim ne fonctionnait pas. Le prix, en revanche, était digne d’un palace. Tenter de dormir à 30°C n’est pas reposant.

Nous ne prîmes pas le temps de visiter vraiment Angoulême, et nous nous enfuîmes vers le nord. Nous n’avons même pas visité Carnac. Nous sommes donc arrivés plus tôt que prévu au Bouillon, où nous attendîmes l’arrivée de Didier et Myriam.

Le bouillon

Ils ont fait de cette ruine une très agréable maison de campagne, très jolie, en réutilisant des pierres orphelines trouvées çà et là. Le résultat est très convaincant, et ne semble pas du tout récent – ce qui pour moi, s’agissant d’une maison, est un rare compliment.

Détail amusant, Didier a fait un petit édifice en forme d’obus au-dessus de son puits pour éviter qu’un enfant n’y tombe, si bien que les gens du cru le pensent plus ancien que tout le reste.

En compagnie de Didier et Myriam, nous avons visité Dinan, Saint-Jacut de la Mer, Saint-Malo, et divers points d’intérêt alentour. Ils nous ont régalés de vrai cidre, de liqueur de cassis faite par Myriam (pour le “kir breton”), de moules à la Didier, et de leur présence. Nous avons eu droit aux feintes bagarres de ces excellents duettistes, aux sketches de Didier dont la vis comica n’a pas diminué, et à toute une moisson de bons souvenirs.

Kérinan

De là, nous sommes allés, qui en méhari, qui en peugeot, à Kérinan, vaste domaine de Claudine, veuve de notre frère Denis. Nous y avons passé deux nuits et la journée qu’elles bordaient, laquelle ne fut consacrée qu’à la visite des terres et d’une partie de la maison. Claudine a récupéré quelques épaves du Raincy, et une grande quantité de bibelots de toutes provenances.

Puis retour vers Paris. Étape en Normandie, dans un petit troquet sans prétention où nous avons très bien mangé, et j’affrontai le cauchemar de la circulation parisienne.

La chambre-studio que nous avions louée s’est révélée un peu moins vaste qu’un carton à chaussures, perchée au dernier étage en haut d’un escalier plus étroit qu’une vierge, dans un quartier proche de tout, mais agrémenté de cris et de bagarres jusqu’aux petites heures du matin. Même avec le gros ventilateur fourni – ce tout petit studio est très bien équipé – nous avons crevé de chaud.

Le sentiment d’insécurité causé par la faune désœuvrée qui hante cet endroit m’a gâché le séjour, ainsi que les nombreux mendiants, escrocs ou voleurs qui épient tous les passants et tentent de leur soutirer quelque chose par divers moyens. On nous a fait le coup de la pétition payante des sourdes et celui de l’anneau d’or trouvé précisément devant nos pieds.

J’en ai conclu que Paris est devenue définitivement infréquentable. Sauf à être escorté.

Nous avons tout de même pu visiter, à pied et en prenant notre temps, les alentours de Notre Dame (mais pas les tours) et du Châtelet, le quartier latin, la place de la Sorbonne, le jardin du Luxembourg, le musée de Cluny, le Louvre (en partie hélas, mais nous y prîmes un excellent déjeuner, notamment un gazpacho qui, aux dires de Thomas, aurait fait baver Martin), la Sainte-Chapelle, la Conciergerie – et même un peu le palais de justice, désert, où nous avons cherché en vain le portrait du sieur Phelippes de La Marnierre ou, à défaut, quelqu’un pour nous renseigner. Nous avons fait aussi un tour de bâteau-mouche en compagnie d’un banc de touristes asiatiques, et vu Paris comme je ne l’avais jamais vu.

Mais entre la chaleur de la journée et la faune de la nuit, nous n’avons pas pu profiter de Paris autant que nous l’aurions souhaité. C’est donc avec un certain soulagement que nous avons rendu les clefs du studio et appelé un taxi – maghrébin – qui nous a conduits calmement, expertement jusqu’à Roissy, où nous avons pris un autre A-380. Le vol de retour ressembla en tous points au précédent, modérément agréable. Le personnel de bord fut tout aussi courtois. Vol sans histoires, et nous savions que Marie, fidèle amie de Marcèle, nous attendrait à l’arrivée.

Mais nous n’avions pas prévu qu’elle devrait nous attendre autant.

Douanes

À la suite d’un malentendu administratif, une employée de PET nous a dénoncés aux douanes, qui nous ont retenus une heure et demie, ont défait et fouillé tous les bagages, fouillé les poches, les sacs et les portefeuilles, nous retenus prisonniers dans une pièce sans toilettes, tout examiné, tout facturé.

Le jeune homme fluet qui procédait à cette fouille en règle se montra très professionnel, correct, courtois même. Mais pour nous il était deux heures du matin et nous n’avions pas bien dormi les nuits précédentes.

On nous compta tout, et le reste. Tout ce qui avait été dépensé, fussent les cartes postales envoyées, un tube de dentifrice entamé, un paquet de cigarillos dans lequel il ne restait que la moitié, etc.

Heureusement, les factures prouvaient que nous ne cherchions pas à frauder, et nous ne fûment que peu pénalisés – mais comme j’ai payé, j’ai désormais un dossier au fédéral…

Marie n’a pas de cellulaire. Heureusement, elle a appelé le mien, j’ai pu lui expliquer ce qui se passait, et elle a poussé la gentillesse jusqu’à nous attendre. Des heures.

Ensuite, nous n’avons pas trouvé tout de suite sa voiture…

Puis nous sommes arrivés chez nous.

Depuis ?

Je dors.

1 commentaire:

mds a dit…

très intéressant résumé de notre voyage en Europe et bien écrit et concis.