QUI N’EST PAS BLANC EST NOIR
L’art de la nuance se perd.
Sans aller jusqu’à exiger que tout le monde
sache rêver en couleurs, on pourrait espérer que les gens, en général, soient
capable de concevoir les valeurs, c’est à dire les nuances de gris.
Cela semble de moins en moins fréquent.
J’ai toujours été surpris que la limite
entre les humains “blancs” et “noirs” soit placée entre ceux qui sont 100%
blancs et les autres. Ensuite, j’ai progressé, et je me suis demandé pourquoi
il devait y avoir une limite ou une différence.
Ainsi, chaque fois qu’on évoque l’un des
sujets qui fâchent, que ce soit la politique locale, la « charte des
valeurs », les conflits – un, en particulier…- il semble de plus en plus
difficile de trouver des interlocuteurs qui aient le sens des nuances.
La parole évangélique, ou bushienne, «Qui
n’est pas [inconditionnellement] avec moi est contre moi», semble être la
seule référence des gens qui s’expriment, à tort et DE travers.
Et ça me fâche.
Ça me désoblige, comme aurait dit tonton
Georges.
Que de sottises n’a-t-on pas lues et
entendues lors de ce triste débat, complètement artificiel, au sujet des
“accomodements raisonnables” (alors qu’il eût suffi de déterminer ce qui est déraisonnable), au sujet de la ‘laïcité”,
qui a été pervertie pour en faire une pierre de touche à éliminer les “pas
nous”, et maintenant au sujet de ce misérable conflit qui oppose l’État
d’Israël et Gaza, ou plutôt quelques fanatiques dans les deux camps.
C’est tellement facile de se draper dans de
nobles intentions et de prendre parti, quand on n’a pas à subir les
conséquences de ses choix.
Le premier signe de cette infâme
polarisation, c’est que ceux qui, de part et d’Autre ou nulle part, qui
refusent de se laisser aller à cette solution de facilité qu’est le manichéisme
se font copieusement honnir par les inconditionnels des deux bords.
Aux idées simplistes des petits soldats sans
risques, opposons donc quelques idées simples.
- Non, tout n’est pas forcément acceptable a
priori. Un pays d’Accueil a le droit tout à fait légitime de tracer une ligne
entre ce qui est permis et ne l’est pas. Immigré moi-même, je reconnais ce
droit tant à mon pays d’origine qu’à
celui où je vis. Que l’on tempère ce droit en faisant référence à la
déclaration universelle des droits de l’Homme, elle-même fortement inspirée par
la première déclaration des droits de l’Homme, qui trouve sa source dans la
philosophie des Lumières, soit. Il n’en reste pas moins que chaque État reste
seul maître de ses propres lois, comme le démontre l’Arabie saoudite, qui ne
prétend pas respecter la liberté de conscience ou de religion. C’est ainsi, que
cela déplaise ou non.
- Non, le traitement que subissent les
arabophones musulmans en Palestine n’est pas acceptable, et il est souhaitable,
pour tout le monde, que cela ait un terme.
- Non, l’État d’Israël n’est pas illégitime,
il a le droit d’exister, et ceux qui disent le contraire devraient réviser leur
histoire et s’interroger sur leur bonne foi.
Malheureusement, chacun voit midi à sa
porte, seulement. On ne fait pas droit à la vision d’autrui. La simplification
des idées sévit à plein. Sacrifier les uns aux autres n’est jamais une bonne
option, du moins si l’on adhère sincèrement aux principes qui, nés en France,
ont été (en principe, justement…) adoptés par l’ensemble des pays de l’ONU.
Quand la sottise et l’égoïsme font loi, la
loi est mauvaise. Et l’un des principes de cette fameuse déclaration, c’est que
les peuples ont le droit de s’opposer aux lois injustes. On attend…
On attend des peuples d’occident qu’ils
fassent la part des choses, et ne se rangent pas aveuglément derrière un camp,
ou l’autre.
On attend des dirigeants de ces mêmes
peuples, m ais aussi de tous les autres, qu’ils sachent refuser d’obéir à
l’injustice.
On voudrait que les puissants ne prennent
pas prétexte de la “démocratie” pour inposer un ordre mondial qui ne profite
qu’au système financier international, et un peu à ceux qui en sont les
collabos.
On voudrait que les dirigeants des pays dits
émergeants, comme ceux des pays en voie de tiersmondialisation ou de
sous-développement, se soucient plus du bien-être de leurs populations, et un
peu moins de leur propre situations privilégiées.
On voudrait bien des choses en somme, mais
le fait est qu’on ne va pas du tout dans ce sens-là.
Dans tous les pays, les intellectuels, les
journalistes, les “humainitaires” sont l’objet de l’attention malveillante et
soutenue de ceux qui décident du sort des gens et des choses.
Certes, un peuple ignorant est plus docile,
plus gouvernable, et je ne sous-estimerais pas la difficulté qu’il y a à
gouverner, à quelque échelle qu’on se situe.
Mais que dire de la qualité de ceux qui ont
obtenu, par des moyens qu’il vaut mieux ne pas détailler, l’apparente
légitimité qui leur permettrait de décider du sort de tous sans jamais avoir à
rendre compte de rien ? Que dire du troupeau qui, fasciné par les
divertissements futiles, les laissent faire en toute sérénité ? Les
fautes, car elles sont nombreuses, sont assez partagées.
L’opinion publique, ou ce qu’il en reste,
n’est pas monolithique. Ni en France, ni en Israël, ni au Canada, ni dans les pays musulmans, pas
même aux États Unis. Il y a des têtes qui dépassent, et c’est pourquoi on les
coupe ou on les rabaisse.
J’ai coutume de dire que l’opinion publique
se comporte comme un banc de harengs. Ce qu’on appelle en anglais, sans doute
par antiphrase, “a school”. Tous tournent, vite et ensemble, dans une direction
qu’ils n’ont pas choisie. C’est assez désespérant pour la suite des choses.
Le quotient intellectuel d’une foule serait,
dit-on, le plus grand commun dénominateur de tous. Je n’y crois pas, à moins
que l’on admette que l’ensemble raisonne seulement comme les débiles les plus
profonds qu’on puisse trouver, auxquels on ne songerait pas à confier le sort
de l’espèce.
Heureusement j’ai dans mes relations quelques
chiens qui ne font pas honte à leur espèce, et même quelques rares humains
aussi.
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