mardi 16 novembre 2010

Lette ouverte à Gilles Bordonado

Lette ouverte à Gilles Bordonado

mardi 16 novembre 2010

Cher monsieur l’éditorialiste,

En réponse à votre “libre opinion” parue dans le numéro du 10 novembre 2010, j’aimerais partager avec vous quelques réflexions que m’ont inspirées vos propos.

http://www.larevue.qc.ca/blogue-gilles-bordonado-2.php?art=71

Le titre, d’abord, puisqu’il faut bien commencer par là.

— La politique, ça vous tente, vous ?

. Pour m’y intéresser en tant que citoyen, oui, absolument. Mais plus loin dans la revue nous lisons que vous déclinez l’honneur de succéder au maire de Mascouche. J’en conclus donc que vous parlez de postuler à un poste électif. Sur ce point, nous sommes d’accord : je ne le voudrais pas plus que vous. En effet, pour séduire l’électorat, il faut faire et dire bien des choses, porter costume et cravate, pratiquer la restriction mentale, voire même la langue de bois, ne rien dire qui puisse fâcher les uns ou indisposer les autres, ménager la chèvre, le chou… et le jardinier. C’est compliqué, c’est harassant, c’est pénible. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui s’astreignent à tout ce cirque-là.

. Mais surtout, la plupart du temps, pour être réélu, il faut accepter des compromis qui, de glissement en glissement, vous mènent — que vous le vouliez ou non — à la compromission, pour finir par faire le contraire de ce qui vous avait motivé au début. Ça, je ne le supporterais pas.

— Mascouche et Terrebonne ont perdu de cette belle virginité qui faisait notre fierté.

Sans blague ? Étiez-vous crédule au point d’adhérer au dogme de l’immaculée conception municipale ? Sérieusement ? Les récents déballages vous ont-ils surpris, pour de vrai ? J’en suis assis.

Personne d’un tant soit peu lucide ne peut ignorer les relations quasi incestueuses entre la pègre, les entrepreneurs et les donneurs de contrats de travaux publics. Cela ne date pas d’hier et cela n’est pas limité à nos parages. Ni au niveau municipal. C’est pourquoi des mécanismes de contrôle et de surveillance sont indispensables, pour endiguer les appétits de ceux qui ne font profession que de profit, et ne s’embarrassent pas d’autres considérations. C’est pourquoi, aussi, l’absence d’opposition me semble être un véritable pousse au crime. L’occasion fait le larron.

— Je crois que nos maires sont foncièrement bons et qu’ils ont le bien commun en priorité…

J’étais assis. Je ne le suis plus. Je suis tombé en bas de ma chaise.

Tout élu est, non pas suspect, mais soupçonnable ès qualités, et doit être surveillé de près, du simple fait qu’il doit prendre des décisions qui peuvent éventuellement être faussées par des intérêts particuliers. Votes acte de foi, s’il est sublime, n’est pas trop convaincant. Les deux maires auxquels vous référez sont en poste depuis longtemps, bien trop longtemps, et n’ont eu que peu ou pas d’opposition. Tous les ingrédients de la dérive étaient réunis, il serait tout à fait extraordinaire qu’il n’y en ait eu aucune.

Pour savoir lequel des deux maires, laquelle des deux villes s’en sortira le mieux, il faut attendre les résultats d’une enquête dont je souhaite qu’elle soit rigoureuse, exhaustive et complète.

Ces derniers temps je me félicite de ce que le “quatrième pouvoir” ne soit pas tout à fait mort, car s’il est encore permis d’espérer un certains assainissement de nos mœurs politique, ce ne sera pas dû au gouvernement de Québec, ni à la police (qui ne fait pas ce qu’elle voudrait), mais à des journalistes qui, ô chose étrange de nous jours, ont entrepris de faire vraiment leur travail. Respect !

Certes, des dérives journalistiques ont existé, généralement dans des journaux imprimés sur papier jaune ou qui mériteraient de l’être, mais je ne pense pas que ce soit ici le cas.

Quant aux aspirants politiciens, dont je prends acte qu’il faut provisoirement vous exclure, ceux que j’ai rencontrés n’ont pas été usés par le pouvoir, ils sont encore vierges et purs (d’une virginité plus crédible que celle des municipalités), dans un certain sens, et si on peut leur éviter les pires tentations, on peut espérer qu’ils le resteront quelque temps.

Je suis entièrement d’accord avec vous en ce qui concerne la façon de s’exprimer de certains mécontents, même si je comprends très bien leur frustration. On peut dire tout ce qu’on veut sans pour autant devenir discourtois, en autant qu’on sache le faire. D’ailleurs vous vous y efforcez. Vous réussissez très bien à éviter l’impolitesse. Quant à dire tout ce que vous auriez à dire, je vous laisse juge si vous le faites.

Cependant, certaines choses doivent être dites, même si cela indispose ceux qui préfèrent le silence de la plèbe et les murmures derrière des portes closes. Si je n’aime pas plus que vous l’impolitesse, je crois qu’il existe des choses bien plus détestables encore. La rude franchise des énervés me semble infiniment moins toxique que la doucereuse dissimulation de certaines personnes, que nous avons bien pu voir ou entendre parfois – ailleurs, loin, bien entendu. Par parenthèse, je trouve que le terme d’allégations, dont on use et abuse dernièrement, est légèrement faux-cul.

Les clowns, c’est amusant. Monsieur Loyal, lui, l’est moins et devrait mériter son nom.

Point de haine donc, du moins je n’en ai pas observé. Mais de justes récriminations, il y en a, et elles risquent de durer autant que leurs causes.

Votre question, en titre et en conclusion, reste pertinente. Car les différentes “allégations” qui agitent le Québec risquent fort de dissuader les aspirant politiciens de s’engager dans cette voie, où il semble inévitable de se prostituer, de piétiner ses principes et de se laisser corrompre. Nous allons avoir un maudit problème de relève, et la qualité éthique de ceux qui persévéreront risque de poser problème.

Mais pour répondre enfin à votre question initiale et finale, faire de la politique, oui, cela me tente, mais en tant que citoyen, voire un tout petit peu davantage, si nécessaire, car l’adage est vrai qui dit que « si tous les dégoûtés s’en vont, ne resteront que les dégoûtants ».

Comme on fait son lit, on se couche. Qui veut dormir sur une paillasse ? ¶

Dans le monde du cirque, Monsieur Loyal est le maître de la piste, le chef d’orchestre des numéros, particulièrement des entrées de clowns. Source : Wikipedia.

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